Une rente à la biodiversité du sol va être testée dans le cadre de l’expérimentation suisse Biodivsol. Financée par l’Office fédéral de l’agriculture, la démarche vise à tester des modalités de remplacement de la conditionnalité des aides directes (contributions). Payée au résultat, la rémunération tiendra compte de la qualité structurale du sol.
Sol sableux conduit en agriculture de conservation depuis 20 ans : la qualité structurale et la biodiversité sont fortement liées à l’humus. (©Christophe Diss)
La Suisse teste un dispositif de remplacement de la conditionnalité des aides directes en agriculture. Le programme Biodivsol expérimente une rémunération basée sur la qualité de la structure des sols. En charge des outils méthodologiques, le professeur Pascal Boivin de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève a décrit la démarche lors de l’assemblée générale de l’association Base (Biodiversité, agriculture, sol et environnement) le 24 février à Monthou-sur-Bièvre (Loir-et-Cher). La démarche sera mise en œuvre en 2017 sur 120 exploitations et plus de 1 200 parcelles. Pour ses promoteurs, il s’agit de rompre avec une approche trop administrée du subventionnement en agriculture.
Objectif : 17 % de la masse d’argile en matière organique
« La structure d’un sol est indissociable de l’humus », a insisté le professeur. La matière organique a besoin d’être protégée sous peine de se voir dégrader par les micro-organismes. Le principal mécanisme de protection est la complexation à la surface des argiles. »
Et de poursuivre : « Il y a une corrélation entre le ratio MO/argile et la qualité de l’état structural. Sur la moyenne des observations, la complexation à 17 % de la masse d’argile en matière organique représente un seuil pivot en deçà duquel nous constatons une dégradation de la note avec le test bêche VESS (Visual Evaluation of Soil Structure). C’est donc une teneur minimum à viser : un sol à 10 % d’argile devrait donc contenir 1,73 % de matière organique. Le ratio MO/argile permet de fixer des objectifs durables car en dessous de 12 %, d’importantes difficultés agronomiques sont observées. »
Lien entre notation du test bêche VESS et ratio carbone organique/taux d’argile. (©P. Boivin)
Selon l’agronome, « les agriculteurs apprécient peu d’être sous contrôle et de se voir imposer des méthodes ». Le protocole se veut donc simple et motivant pour l’agriculteur qui pourra développer librement son propre management du taux de matière organique.
Un paiement au résultat
La subvention représentera une rente annuelle selon l’état du sol au moment de la souscription du dispositif. Celle-ci sera indexée pour une période de cinq ans à la valeur du ratio MO/argile et à un diagnostic visuel de terrain au test bêche VESS. Pour un taux MO/argile de 8 %, l’aide serait nulle, puis progressive jusqu’à un plafond fixé au taux de 24 %. Tous les trois ans, l’agriculteur pourra demander une révision de l’aide avec une rétroactivité de deux ans.
De cette façon, l’équipe du projet fait le pari d’une meilleure acceptation sociale des aides en agriculture. « En atteignant d’ici dix ans notre objectif de relèvement du taux de matière organique, nous stockerons des millions de tonnes de CO2. Cela justifie la dépense, car il y a une véritable dette sociale qui est émise ».
Pas de dogme pour réussir
Entre semis direct et labour, l’agronome exhorte à ne pas établir de dogme : « Hors tassements, la teneur en MO détermine la porosité du sol ». Des échantillons de 185 sols suisses montrent que la modalité « labour » permet rarement d’atteindre de très hauts scores en termes de qualité structurale contrairement au non-labour. Mais dans de très nombreux cas, celui-ci est mal maîtrisé.
Liens et dispersions entre la qualité structurale du sol et son mode de valorisation. (©P. Boivin)
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